Que retenir de la SAM 2021 ?

16 décembre 2021

Chiffres clés de la SAM 2021

Participant 
700 participants sur toute la semaine
 

Pays 
53 pays représentés, dont 37 pays africains


Orateur 
Près de 90 orateurs

 

Meetings

430 rendez-vous pris entre
18 investisseurs/agences de notation et + de 200 IMF
 

Village

30 innovateurs au
Village des innovateurs
 

Formations

20 formations et ateliers organisés
par ADA et ses partenaires


 

Reportage sur la SAM 2021 par Bob Summers/MicroCapital

Kigali, Rwanda - 18-22 octobre 2021

La SAM de Kigali a suivi le même programme que la précédente édition à Ouagadougou, au Burkina Faso : lundi, une journée complète de formations variées par des experts en inclusion financière ; mardi, la conférence de la SAM pendant deux jours ; mercredi, le Salon des investisseurs, de plus en plus populaire; jeudi le Village des innovateurs ; et vendredi, une dernière journée de formations, plus l’assemblée générale de la MAIN.

Après les ateliers de lundi sur des sujets tels que la performance sociale, le service aux réfugiés, les initiatives vertes, les fonds d'investissement, la micro-assurance et la mise en œuvre de nouvelles technologies, Laura Foschi, directrice exécutive de ADA, a accueilli mardi 700 participants à la conférence SAM sur deux jours.

Renforcer la résilience est essentiel

Le thème de la conférence de cette année était « On ne naît pas résilient, on le devient : Renforcer la finance inclusive pour surmonter les crises ». Laura Foschi a présenté ce thème de la résilience, et a également présidé à un moment de silence pour ceux que nous avons perdus pendant la pandémie de COVID-19.

Lors du panel d'ouverture sur l'état des lieux et les défis pour le secteur de la finance inclusive, le Dr Brian Chirombo de l'Organisation mondiale de la Santé a exposé le coût du COVID-19 jusqu'à présent sur la santé et l'économie en Afrique. Il a noté l'effet disproportionné sur les personnes gérant des entreprises informelles et le fait regrettable que « nous avons dû allouer à la gestion de la pandémie des ressources qui auraient pu être utilisées pour le développement ».

La première conférencière principale de la conférence SAM, Renée Chao-Beroff du CIDR Pamiga, a ouvert la voie à de nouvelles discussions en introduisant et en explorant les trois dimensions de la résilience pour la finance inclusive : les infrastructures financières, le changement climatique et la numérisation.

Elle a prononcé son discours devant une salle comble, en présence de plusieurs représentants de l'État. Franz Fayot, ministre luxembourgeois de la Coopération et de l'Action humanitaire, et le Dr Uzziel Ndagijimana, ministre rwandais des Finances et de la Planification économique, ont pris la parole après le discours de Mme Chao-Beroff, ainsi que Patrick Losch, président de ADA, pour la cérémonie d’ouverture officielle de la semaine de la SAM.

La conférence de la SAM n'est qu'un exemple parmi d’autres de la manière dont le Luxembourg et le Rwanda intensifient actuellement leur collaboration. Les deux pays ont signé plusieurs accords pour renforcer leurs liens, parmi lesquels un accord sur la double imposition et un protocole d'accord sur le soutien luxembourgeois au développement d'un centre financier international à Kigali.

Les deux ministres ont exprimé leur reconnaissance à ADA pour avoir réussi à accueillir ce grand rassemblement physique dans des circonstances aussi difficiles. C'est d'ailleurs la première grande conférence à laquelle la plupart des participants aient pu assister en personne au cours des 18 derniers mois !

M. Losch a rappelé que la semaine de la SAM est désormais la plus grande conférence sur la finance inclusive en Afrique, et il a expliqué que « l'importance croissante de la SAM reflète l'importance croissante du secteur de la finance inclusive dans son ensemble. Alors que la microfinance était autrefois un sujet de niche, de nombreux gouvernements du monde entier l'ont désormais intégrée dans leurs stratégies en tant qu'outil pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies ».

L'après-midi a été principalement consacré à des sessions parallèles qui ont exploré en détail divers aspects de la résilience, tels que la numérisation, le changement climatique, les changements structurels et bien sûr l'impact de la pandémie actuelle de COVID-19.

Dématérialisation

La nécessité d'une numérisation accrue des services financiers inclusifs a été un sujet clé tout au long de la conférence. Un des exemples d'utilisation de la technologie pour une plus grande résilience est le développement de Wi-Agri par le CIDR-Pamiga pour servir les petits producteurs de noix de cajou en Côte d'Ivoire. Empruntant des idées à la Digifarm de Safaricom, Wi-Agri offre un accès 24 heures sur 24 aux acheteurs ainsi qu'un accès à l'épargne, au crédit, à l'assurance et aux services de conseil. Les services numériques permettent de réduire les coûts, de renforcer la commodité et aident les IMF à rendre leurs opérations plus écologiques - en réduisant la nécessité de voyager pour rencontrer les clients, par exemple.

Se mettre au vert

Lorsque les IMF financent des actifs verts, les bénéfices sont nombreux. Ainsi, si une IMF finance des équipements économes en énergie pour traiter les produits agricoles plus près de leur site de culture, non seulement le transformateur rural fait des bénéfices, mais les déchets sont réduits et les jeunes ont moins de raisons de quitter leur région pour les zones urbaines afin de trouver du travail. Lorsqu’une IMF finance un système d’énergie solaire qui augmente d’un tiers la consommation d’électricité d’un client, cette personne peut augmenter son revenu de 70 %. Triple Jump voient ses investisseurs très intéressés par les énergies renouvelables, et l’entreprise est « heureuse d’exploiter son réseau pour aider » les IMF à développer des produits verts.

Travailler ensemble

Le succès repose souvent sur les partenariats et la collaboration. C’est pourquoi le gouvernement du Burkina Faso a réuni un groupe de 200 parties prenantes pour cerner comment renforcer la résilience. En outre, de nombreux investisseurs en microfinance du monde entier ont collaboré dès le début de la pandémie de COVID-19 afin de répondre uniformément aux investisseurs qui devaient ajuster leurs calendriers de remboursement ; sur le marché du Myanmar, cela fut particulièrement efficace.

Plus proche du client final, quand un e-prêteur voulait atteindre des agriculteurs dépourvus de smartphones, il s'est tourné vers des coopératives pour servir d'intermédiaires. Une autre IMF s’est appuyée sur des partenariats pour offrir à ses clients des prêts immobiliers (jusqu’à 27 000 USD avec des durées allant jusqu’à 10 ans). Des partenariats peuvent également avoir lieu au niveau du client. Lorsque les microprêteurs s'adressent aux réfugiés, ils associent souvent les membres de la communauté d'accueil dans les mêmes groupes de solidarité pour favoriser la collaboration de voisinage tout en évitant de possibles rancœurs.

Optimiser les incitations

La SAM 2021 a aussi abordé le thème des incitations. Les investisseurs et les prestataires de services financiers (FSP) ont déclaré utiliser la promesse de taux d'intérêt plus bas pour encourager des pratiques résilientes, telles que l'encouragement de l'utilisation de la micro-assurance, des méthodes agricoles climato-intelligentes et de divers produits destinés aux jeunes. Il a également été noté que les agriculteurs font plus volontiers des investissements favorables au climat, en installant par exemple des pompes d'irrigation à énergie solaire, lorsque les prêteurs calculent ce que seront les périodes de remboursement.

Un fournisseur donnant à des agriculteurs un accès à temps partiel aux tracteurs a constaté qu'il n'était pas incité à promouvoir une agriculture respectueuse du climat, jusqu'à ce que sa direction réalise que les nouvelles pratiques augmentaient les revenus des agriculteurs de 25 %, les rendant ainsi plus rentables en tant que clients. Un autre prêteur a toutefois souligné la difficulté de convaincre les clients de changer leurs pratiques face à « l'influence de l'agro-industrie qui encourage l'utilisation de ses produits. »

En plus d’aider les clients à adopter des pratiques plus durables, les FSP doivent mieux mesurer l’impact qui en résulte. L'une des raisons en est que les nouvelles règles de l'UE exigent des investisseurs qu'ils rendent compte de la durabilité, ce qui signifie que les FSP devront faire de même pour continuer à accéder au financement. Cela nécessitera un niveau important d’assistance technique.

Évaluation des besoins

De nombreux intervenants de la SAM 2021 ont cité l’importance d’évaluer les besoins. Un fournisseur de pompes d'irrigation à énergie solaire a déclaré: « Nous avons 15 pompes différentes... Nous demandons : que faites-vous, que cultivez-vous, combien d’hectares ? ». Cela permet à l'entreprise d'estimer le rendement qu'un agriculteur peut attendre de chaque produit (ce qui entraîne des incitations plus fortes, comme indiqué ci-dessus). Un autre exemple est l'utilisation d'un biodigesteur producteur de gaz, qui peut nécessiter le fumier de quatre vaches pour répondre à la capacité du dispositif. Ainsi, certains clients peuvent avoir besoin d'argent pour acheter des vaches qui devront être incluses dans le prêt finançant le digesteur.

Parmi les besoins des FSP pour devenir plus résilients, une lacune répandue concerne la préparation aux cyberattaques. Le Luxembourg y répond en fournissant des services gratuits de conseil en cyberdéfense (pour les entreprises nationales).

Soyez audacieux !

Plusieurs orateurs ont exprimé leur inquiétude que le secteur du développement ne soit pas en bonne voie d’atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies. Ils ont proposé des mesures audacieuses pour augmenter le retour sur investissement. Un thème particulièrement récurrent fut la nécessité de remédier au manque d’opportunités d’emploi en Afrique dans un contexte de croissance démographique rapide.

Le conférencier d'honneur Marieme Esther Dassanou, de la Banque africaine de développement, voit la question sous l'angle du genre. Selon elle, les IMF doivent faire plus pour aider les femmes à faire évoluer leurs TPE en PME : « Comment allons-nous créer les emplois nécessaires sur le continent ? » Le problème de l'emploi est également aigu parmi les jeunes. Alors que certains jeunes chômeurs réussissent grâce à l’entrepreneuriat axé sur la technologie, des groupes armés de nombreuses régions recrutent des jeunes sans emploi avec de meilleures offres que celles qu’ils reçoivent des IMF.

Les IMF ont besoin d’investisseurs audacieux prêts à engager des fonds propres pour établir des partenariats robustes qui soutiennent la santé des IMF à long terme. Lors de l’évaluation d’un projet, les investisseurs doivent se garder de laisser un seul indicateur annuler leur participation à un projet par ailleurs viable. Par exemple, les entreprises du secteur solaire en Afrique en 2021 ont peu de chances d'avoir des antécédents sur 10 ans. En outre, de nombreux investisseurs surestiment les risques liés à l'investissement d'impact, même lorsqu'une garantie gouvernementale adoucit l'opération. Néanmoins, le FPM SA de la République démocratique du Congo (RDC) - malgré la série de crises que la RDC a traversée - a été rentable pendant six années consécutives. Depuis l'apparition du COVID-19, elle a augmenté son nombre d’investisseurs de 10 à 17.

Une autre forme d’audace est d'investir quand le marché est en baisse, comme l'ont fait de nombreux gouvernements en réponse à la pandémie. Le gouvernement du Burkina Faso a créé son Fonds National de la Finance Inclusive pour stimuler le micro-entrepreneuriat et assurer le paiement des retraites dans un contexte de pandémie et de conflit armé dans ce pays. Pour citer un autre exemple, lorsque le gouvernement rwandais cherchait à stimuler l'inclusion financière, il a mis en place plus de 400 coopératives d'épargne et de crédit rurales (SACCO). Cette mesure, en plus de l'augmentation de la disponibilité des téléphones mobiles et de l'argent mobile, a aidé le Rwanda à augmenter son taux d'inclusion financière de 48 %  à 93 % en dix ans.

Plus d’audace bénéficierait à un large éventail de parties prenantes à bien des égards. Par exemple, les prêteurs devenus frileux au début de la pandémie doivent redevenir flexibles, car de nombreuses IMF manquent d’opportunités pour servir les PME. Dans le même temps, de nombreuses fintechs se concentrent trop sur le crédit à la consommation et doivent se tourner vers d’autres segments comme le crédit aux entreprises.

Les IMF doivent également être encore plus inclusives pour parvenir à atteindre les groupes les plus vulnérables. Par exemple, les IMF ont souvent évité de servir les réfugiés en se basant sur des idées préconçues de la population. Amener le leadership dans les camps de réfugiés pour parler aux clients potentiels et voir leurs entreprises en action peut permettre de surmonter ces inquiétudes. Un investisseur s’est rendu compte que le scepticisme exprimé par des dirigeants d'IMF quant le fait de travailler avec des réfugiés lui évoque les discussions qu'il avait naguère avec des banquiers sur le microcrédit ! Depuis le début de la pandémie, cet investisseur a déclaré que le PAR des réfugiés dans son portefeuille est passé de près de zéro à environ 7 %, un taux qu’il a décrit comme « bien meilleur » que les autres segments. Être audacieux est payant.
 


Les principaux points à retenir de la conférence SAM sont les suivants :

  • Pour stimuler la résilience, il est essentiel d’améliorer l'infrastructure réglementaire. Cela comprend des efforts aussi divers que l'émission et la mise à jour de plans nationaux d'inclusion financière et de résilience, ainsi que la création d'environnements propices aux IMF et aux PME.
  • Les micro-emprunteurs, les FSP et les investisseurs sont de plus en plus conscients des avantages financiers (et sanitaires) du passage au vert, car les pratiques écologiques sont plus efficaces, durables, moins risquées et peuvent améliorer la résilience.
  • Les services financiers numériques de haute qualité offrent aux personnes et aux institutions plus d'options en cas de catastrophe - qu'il s'agisse d'envoyer une remise à un membre de la famille dont la maison a été inondée ou de demander un prêt ou une assurance en ligne sans avoir à se déplacer pendant la pandémie. Pour autant, la cybersécurité devient un enjeu majeur à renforcer avec l’ensemble des parties prenantes pour renforcer la protection des clients finaux.
  • Les investisseurs d'impact ayant réussi à travailler ensemble pour soutenir les FSP dans leur adaptation au COVID-19, les investisseurs traditionnels doivent désormais être encouragés à développer les modèles dont la viabilité a été démontrée par les investisseurs d’impact.

Innovateurs et investisseurs

Après la conférence SAM, la journée de jeudi a été consacrée à deux événements de réseautage très populaires, le Village des innovateurs et le Salon des investisseurs. 

Le Village des innovateurs a présenté des dizaines d’entreprises et de startups établies, offrant des solutions d’inclusion. L’une d’entre elles, E-clectics, propose un seul dispositif PDV permettant à un agent de travailler avec plusieurs FSP. Une autre, Akiba, aide les FSP à exploiter des données de solvabilité alternatives à l’aide d’un chatbot WhatsApp pour collecter les données PDV, les états financiers et les selfies des candidats pour assurer la conformité des clients sans smartphone. 

Parmi d’autres exemples d’entreprises présentées, citons Rubyx, qui travaille avec les IMF pour pré-approuver les prêts répétés pour les clients avant l’échéance de leurs prêts actuels, en augmentant le taux de renouvellement de 60 % à 80 %. Finz et HEDERA proposent des systèmes permettant de suivre et de communiquer un ensemble d’indicateurs d’impact social et environnemental.

En plus d'accueillir les visiteurs intéressés sur leurs stands respectifs, tous les exposants ont eu l'occasion de présenter leur solution au public dans un espace de parole dédié. Il y avait tellement de présentations intéressantes que certaines personnes y ont passé la majeure partie de la journée !

Lors du Salon des investisseurs de la SAM, qui se tenait aussi jeudi, les représentants des IMF et les investisseurs ont participé à plus de 400 sessions individuelles pour explorer la viabilité de nouveaux partenariats. Ainsi, Caroline Kamau, de Triple Jump, a indiqué que son entreprise avait participé à plus de 40 « rencontres express » au cours desquelles elle et ses collègues avaient « identifié des participations assez prometteuses et engagé des discussions sur des opportunités de collaboration futures avec plusieurs investisseurs homologues ». 

Jean Claude Thetika, Directeur Général de FPM ASBL, s’est exclamé : « Seule la SAM nous offre un tel angle sur des contrats potentiels ! » Le Salon a gagné en popularité au fil des ans, et de plus en plus d'investisseurs souhaitent y participer. Plusieurs investisseurs ont même exprimé leur espoir que le Salon dure plus d’une journée lors de la prochaine édition de la SAM car ils avaient à peine le temps de rencontrer tous les dirigeants d’IMF qu’ils souhaitaient voir !

Perspectives de la SAM 2023

La SAM 2021 s'est clôturée par l'assemblée générale du MAIN de vendredi ainsi que par des sessions de formation sur des sujets tels que la banque d'agents, la cybersécurité, la finance numérique responsable et la réalisation de projections financières et sociales. Tous les participants ont convenu que la SAM fut une fois de plus un grand succès et un événement de réseautage clé, en particulier compte tenu du manque de possibilités de réseautage personnel depuis le début de la pandémie.

La prochaine SAM aura lieu en 2023, dans un lieu qui sera prochainement annoncé. D'ici là, ADA continue sur sa lancée !