« La collaboration avec ADA est un atout majeur pour assurer la gestion et la viabilité de mini-centrales solaires en milieu rural »

18 février 2025
Un homme en costume devant des panneaux solaires

Entretien avec Abdoulaye Ba, fondateur et directeur de Coseer Énergie (Compagnie Sahélienne en Énergie Renouvelable et Efficacité Énergétique).

Pouvez-vous nous présenter Coseer et votre parcours ?

Je suis Abdoulaye Ba, ingénieur spécialisé en énergies renouvelables, formé en Allemagne. Après avoir travaillé plusieurs années dans les secteurs éolien et solaire, j’ai fondé Coseer Énergie il y a 10 ans, avec pour mission de développer les énergies renouvelables au Sénégal.

Notre entreprise participe activement au programme national d’électrification rurale. Il y a environ trois ans, Coseer a signé un contrat avec l’État pour gérer l’exploitation et la maintenance d’une soixantaine de mini-centrales solaires implantées dans des zones reculées comme Matam et Tambacounda. Ces installations fournissent de l’électricité dans les zones non desservies par les réseaux conventionnels. Grâce à un partenariat avec ADA, nous structurons cette gestion et accompagnons nos clients – des ménages, de petites entreprises ou des exploitations agricoles – dans la réalisation et le financement de projets d’énergie verte.

Nos activités profitent directement à environ 46 000 bénéficiaires et ont permis d’éviter plus de 6 000 tonnes de CO2 depuis le lancement de notre entreprise. 

Qu’est-ce qui vous a motivé à créer cette entreprise ?

Après mes études et ma carrière en Allemagne, j’ai constaté que le grand défi des énergies renouvelables se trouvait en Afrique. En 2010, j’ai décidé de rentrer au Sénégal, persuadé que mon expertise serait plus utile ici. J’ai commencé comme consultant, pour mieux comprendre le cadre réglementaire et tester des projets pilotes avec des mini-centrales.

À l’époque, les énergies renouvelables suscitaient peu d’intérêt. La loi dédiée n’a été votée qu’en 2020. Malgré cela, j’ai persisté et attendu que cette prise de conscience s’impose. Aujourd’hui, l’État a atteint 30 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique et privilégie les mini-centrales rurales pour réduire les coûts liés à l’expansion des réseaux traditionnels dans les zones isolées.

Comment se déroule votre collaboration avec ADA ?

Notre collaboration avec ADA est un atout majeur pour assurer la gestion et la viabilité des centrales. Le soutien financier et technique de ADA nous a permis de recruter une équipe compétente, avec un effort particulier pour intégrer des femmes dans un secteur traditionnellement masculin. 

ADA nous appuie également dans la sensibilisation des petits entrepreneurs à l’utilisation d’équipements économes en énergie et sur l’accès au financement de ces équipements.

En outre, ADA a financé des études de faisabilité. Cela nous a donné une compréhension approfondie des besoins et opportunités dans les zones où nous opérons, rendant nos interventions plus ciblées et efficaces.

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Quatre personnes en train de discuter debout contre un mur
Réunion de travail avec des membres de l’équipe de Coseer sur le terrain.

Quels sont vos principaux défis et comment la population perçoit-elle les énergies solaires ?

Le premier défi est d’ordre culturel. Pour de nombreuses communautés rurales, l’énergie solaire est encore vue comme une solution temporaire, en attendant l’arrivée du réseau national. Nous devons les convaincre que le solaire peut être une alternative durable et fiable, mais cela reste difficile car nos mini-centrales ne peuvent pas toujours répondre à une demande électrique 24h/24. Heureusement, l’État travaille à augmenter leur capacité pour mieux répondre aux besoins.

Un autre défi est le recrutement de personnel qualifié dans les villages. Beaucoup de jeunes formés en ville hésitent à retourner dans les villages car les conditions y sont très dures. Nous collaborons avec des instituts en milieu rural pour recruter des techniciens sur place et leur offrir des conditions attractives.

Les conditions climatiques constituent également une contrainte majeure, surtout pour accéder aux sites isolés en saison des pluies. Nous avons équipé nos agents de motos pour faciliter leurs déplacements et leur permettre de mieux accompagner les communautés.

Enfin, nous cherchons à stimuler l’utilisation productive de l’énergie. Nos agents identifient des entrepreneurs artisans qui pourraient bénéficier d’équipements électriques pour améliorer leurs activités. Par exemple, dans le village d’Alana, nous accompagnons un boulanger à financer un pétrin électrique, et nous faisons de même pour d’autres métiers comme la soudure ou la vulcanisation (traitement du caoutchouc). Ce type de projet favorise le développement économique tout en augmentant la consommation énergétique, essentielle pour la viabilité des mini-centrales.

Comment le Sénégal se positionne-t-il dans le domaine des énergies renouvelables et quelles sont les perspectives ?

Le Sénégal est un leader en Afrique de l’Ouest dans le domaine de l’énergie solaire. En juillet 2023, le Sénégal a signé un partenariat appelé « Just Energy Transition Partnerships » (JETP) avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada et l’Union européenne. Dans ce contexte, le Sénégal s’est engagé à atteindre un taux de 40% des énergies renouvelables dans sa politique de mix énergétique d’ici 2030.

De nombreux pays viennent s’inspirer de notre modèle. Grâce à la baisse des coûts des panneaux solaires et aux avancées technologiques du stockage, le solaire devient de plus en plus compétitif, notamment pour les zones rurales et isolées.

Pour les villes, nous travaillons sur des kits solaires résidentiels installés sur les toits pour répondre aux besoins énergétiques en journée. Nous investissons également dans le recyclage des batteries, une initiative encore rare en Afrique, mais essentielle pour limiter l’impact environnemental de ces technologies.